Qu’est ce qui t’a donné envie de monter une maison d’édition de bande dessinée ?
Avant de créer les éditions çà et là, j'étais producteur de dessins animés dans un groupe (Millimages). Le dessin animé c'est bien, mais c'est très lourd : il s'agit d'une véritable industrie qui met en jeu des sommes énormes et mobilise des centaines de personnes. Au bout de quelques temps cela m'a un peu fatigué et j'ai eu envie de légèreté. J'ai donc décidé de me lancer dans l'édition de bande dessinée, un secteur que je connaissais bien en tant que lecteur mais que j'avais également approché à travers mon expérience dans le dessin animé, en travaillant notamment avec des auteurs comme Moebius ou Lewis Trondheim.
Quel rapport entretiens tu avec la bande dessinée ? Tu aimes depuis longtemps ? Quels sont tes auteurs de prédilection ?
J'ai commencé très jeune et je n'ai jamais arrêté (ça fait un peu junkie, mais j'assume). J'ai commencé par les hebdos (Pif Gadget et Mickey Magazine), puis j'ai continué avec les classiques, les super-héros, Metal Hurlant, puis le roman graphique, le parcours classique quoi ! Mes auteurs favoris sont Pratt, Moebius, Chris Ware, Joe Sacco, Sfar, Will Eisner... Des auteurs ayant tous apporté un souffle nouveau à la bande dessinée, chacun à sa manière. En fait, je suis fan d'une grande partie de la scène américaine que je trouve très innovante (les Joe Matt, Alex Robinson, Seth, Tomine, Franck Miller etc etc.)
Quelles sont les spécificités de la maison Çà et là ? Ses points forts, ses atouts ?
La principale spécificité est que nous nous consacrons au domaine étranger. C'est à dire que nous ne publions que des auteurs non francophones. C'est un choix éditorial car je trouve qu’énormément d'auteurs étrangers sont passionnants et restent encore inconnus (ou mal connus) en France. Comme j'ai décidé de ne publier que 8 à 10 titres par ans, il nous est facile de nous consacrer au reste du monde.
L'avantage que nous donne cette spécialisation est que çà et là commence à être un peu connu à l'étranger et que de nombreux auteurs ou éditeurs nous présentent leurs livres, et même leurs projets, ce qui nous permet de prendre de vitesse certains de nos concurrents,même sur des "gros" titres comme l'extraordinaire "Château l'Attente" de Linda Medley (Etats-Unis).
Par ailleurs, outre le fait que nos auteurs sont étrangers, je tiens à avoir une ligne éditoriale qui privilégie les récits ancrés dans la réalité, intimistes, qu'ils soient autobiographiques ou romancés, ce qui donne un cohérence à notre catalogue malgré la diversité des origines de nos auteurs.
Comment déniches-tu les titres que tu vas publier ? Est ce que c’est difficile d’obtenir des droits ?
Tous les moyens sont bons : les déplacement sur des foires ou des salons étrangers (la foire de Francfort, des conventions américaines), fouiner chez les libraires français qui font de l'import, beaucoup de surf sur des sites d'éditeurs, des blogs de journalistes, des sites d'auteurs, et puis nous commençons à bénéficier du bouche à oreille entre auteurs. Par exemple, les anglais nous contactent depuis que nous avons commencé la publication de la série des "Alec" de Eddie Campbell, une série mythique en Angleterre par le dessinateur de "From Hell".
En ce qui concerne les droits, la démarche est très simple: une fois un livre repéré (et apprécié) je fais une offre à l'auteur, l'éditeur ou encore l'agent (le cas échéant) et en général j'obtiens une réponse très rapidement. Je dois dire qu'à une exception près, j'ai toujours réussi à obtenir les droits des titres qui m'intéressaient.
Quels rapports entretiens tu avec les auteurs que tu publies ?
De manière générale, j'essaie d'impliquer systématiquement les auteurs dans le travail d'adaptation de leur livre en français. Nous leur soumettons les couvertures (que nous modifions souvent), les choix du titre, des polices de caractères etc... Il est important pour moi de les associer à ce travail. De même les traducteurs sont toujours en contact avec les auteurs car de nombreuses questions se posent sur chaque projet et seul l'auteur est à même d'y répondre.
Quels sont les problèmes spécifiques rencontrés lors des adaptations ?
Les principales difficultés sont au niveau de la traduction et du lettrage. En ce qui concerne la traduction, nous sommes confrontés en bande dessinée à un problème spécifique: celui des bulles. En littérature, un traducteur ne se pose généralement pas la question de la longueur des phrases une fois traduites. En bande dessinée, la personne qui assure la traduction doit veiller à ce que le texte en français tienne dans chaque bulle, ce qui peut parfois être compliqué, notamment lorsqu'on traduit de l'anglais, qui est une langue très concise, vers le français.
Le lettrage est également un véritable casse tête, car c'est une composante graphique de l'ouvrage, nous devons donc veiller à être le plus fidèle possible au lettrage de la version originale. Lorsque l'auteur utilise un police machine (lettrage fait à l'ordinateur), cela ne pose pas de problème; il suffit d'utiliser la même police de caractère. En revanche, lorsque le lettrage d'origine est manuel, c'est plus compliqué. Dans ce cas de figure, nous avons deux options, soit nous faisons appel à un lettreur ou une lettreuse, qui imitera le style d'écriture de l'auteur, soit nous créons une police de caractère d'après l'écriture manuelle de l'auteur.
Quels sont tes titres préférés du catalogue, ou que tu voudrais défendre ?
Il m'est difficile de répondre à cette question. Le luxe des petites éditeurs indépendants est que nous publions peu de titres et donc tous les ouvrages édités sont de véritables coups de coeur. En revanche, certains n'ont pas connus le succès qu'ils mériteraient, par exemple les "Points de Vues" de Peter Kuper (Etats-Unis), deux petits bijoux d'humour noir ou encore "Peine Perdue" de Catherine Doherty (Canada), une très belle histoire autobiographique sans paroles.
Quel regard portes tu sur le milieu de l’édition de bande dessinée actuel ? Y a-t-il encore une place et une vie possible pour les petites maisons d’édition ?
Je n'ai pas tellement de recul car les éditions çà et là vont avoir tout juste trois ans, mais il y a deux choses qui me frappent : d'une part le contexte est un peu morose, le gens vont moins en librairie et semble consacrer de moins en moins de temps à la lecture de livres. D'autre part, il n'y a jamais eu autant de bonnes bandes dessinées publiées, la presse parle beaucoup des petits éditeurs et de leurs ouvrages et il y a désormais un lectorat pour les romans graphiques.
Je pense qu'il est possible de se faire une (petite) place, mais à condition de se distinguer des autres éditeurs, et de ne pas avoir d'attentes disproportionnées par rapport à la réalité du marché : c'est loin d'être l'eldorado. Il y aura toujours de la place pour les petits éditeurs qui choisissent leurs ouvrages avec discernement et les défendent avec passion.
Editions Çà et là
6 rue Jean Baptiste Vacher
77600 Bussy St Georges
Site : www.caetla.fr
Blog : http://infocaetla.over-blog.com
Avant de créer les éditions çà et là, j'étais producteur de dessins animés dans un groupe (Millimages). Le dessin animé c'est bien, mais c'est très lourd : il s'agit d'une véritable industrie qui met en jeu des sommes énormes et mobilise des centaines de personnes. Au bout de quelques temps cela m'a un peu fatigué et j'ai eu envie de légèreté. J'ai donc décidé de me lancer dans l'édition de bande dessinée, un secteur que je connaissais bien en tant que lecteur mais que j'avais également approché à travers mon expérience dans le dessin animé, en travaillant notamment avec des auteurs comme Moebius ou Lewis Trondheim.
Quel rapport entretiens tu avec la bande dessinée ? Tu aimes depuis longtemps ? Quels sont tes auteurs de prédilection ?
J'ai commencé très jeune et je n'ai jamais arrêté (ça fait un peu junkie, mais j'assume). J'ai commencé par les hebdos (Pif Gadget et Mickey Magazine), puis j'ai continué avec les classiques, les super-héros, Metal Hurlant, puis le roman graphique, le parcours classique quoi ! Mes auteurs favoris sont Pratt, Moebius, Chris Ware, Joe Sacco, Sfar, Will Eisner... Des auteurs ayant tous apporté un souffle nouveau à la bande dessinée, chacun à sa manière. En fait, je suis fan d'une grande partie de la scène américaine que je trouve très innovante (les Joe Matt, Alex Robinson, Seth, Tomine, Franck Miller etc etc.)
Quelles sont les spécificités de la maison Çà et là ? Ses points forts, ses atouts ?
La principale spécificité est que nous nous consacrons au domaine étranger. C'est à dire que nous ne publions que des auteurs non francophones. C'est un choix éditorial car je trouve qu’énormément d'auteurs étrangers sont passionnants et restent encore inconnus (ou mal connus) en France. Comme j'ai décidé de ne publier que 8 à 10 titres par ans, il nous est facile de nous consacrer au reste du monde.
L'avantage que nous donne cette spécialisation est que çà et là commence à être un peu connu à l'étranger et que de nombreux auteurs ou éditeurs nous présentent leurs livres, et même leurs projets, ce qui nous permet de prendre de vitesse certains de nos concurrents,même sur des "gros" titres comme l'extraordinaire "Château l'Attente" de Linda Medley (Etats-Unis).
Par ailleurs, outre le fait que nos auteurs sont étrangers, je tiens à avoir une ligne éditoriale qui privilégie les récits ancrés dans la réalité, intimistes, qu'ils soient autobiographiques ou romancés, ce qui donne un cohérence à notre catalogue malgré la diversité des origines de nos auteurs.
Comment déniches-tu les titres que tu vas publier ? Est ce que c’est difficile d’obtenir des droits ?
Tous les moyens sont bons : les déplacement sur des foires ou des salons étrangers (la foire de Francfort, des conventions américaines), fouiner chez les libraires français qui font de l'import, beaucoup de surf sur des sites d'éditeurs, des blogs de journalistes, des sites d'auteurs, et puis nous commençons à bénéficier du bouche à oreille entre auteurs. Par exemple, les anglais nous contactent depuis que nous avons commencé la publication de la série des "Alec" de Eddie Campbell, une série mythique en Angleterre par le dessinateur de "From Hell".
En ce qui concerne les droits, la démarche est très simple: une fois un livre repéré (et apprécié) je fais une offre à l'auteur, l'éditeur ou encore l'agent (le cas échéant) et en général j'obtiens une réponse très rapidement. Je dois dire qu'à une exception près, j'ai toujours réussi à obtenir les droits des titres qui m'intéressaient.
Quels rapports entretiens tu avec les auteurs que tu publies ?
De manière générale, j'essaie d'impliquer systématiquement les auteurs dans le travail d'adaptation de leur livre en français. Nous leur soumettons les couvertures (que nous modifions souvent), les choix du titre, des polices de caractères etc... Il est important pour moi de les associer à ce travail. De même les traducteurs sont toujours en contact avec les auteurs car de nombreuses questions se posent sur chaque projet et seul l'auteur est à même d'y répondre.
Quels sont les problèmes spécifiques rencontrés lors des adaptations ?
Les principales difficultés sont au niveau de la traduction et du lettrage. En ce qui concerne la traduction, nous sommes confrontés en bande dessinée à un problème spécifique: celui des bulles. En littérature, un traducteur ne se pose généralement pas la question de la longueur des phrases une fois traduites. En bande dessinée, la personne qui assure la traduction doit veiller à ce que le texte en français tienne dans chaque bulle, ce qui peut parfois être compliqué, notamment lorsqu'on traduit de l'anglais, qui est une langue très concise, vers le français.
Le lettrage est également un véritable casse tête, car c'est une composante graphique de l'ouvrage, nous devons donc veiller à être le plus fidèle possible au lettrage de la version originale. Lorsque l'auteur utilise un police machine (lettrage fait à l'ordinateur), cela ne pose pas de problème; il suffit d'utiliser la même police de caractère. En revanche, lorsque le lettrage d'origine est manuel, c'est plus compliqué. Dans ce cas de figure, nous avons deux options, soit nous faisons appel à un lettreur ou une lettreuse, qui imitera le style d'écriture de l'auteur, soit nous créons une police de caractère d'après l'écriture manuelle de l'auteur.
Quels sont tes titres préférés du catalogue, ou que tu voudrais défendre ?
Il m'est difficile de répondre à cette question. Le luxe des petites éditeurs indépendants est que nous publions peu de titres et donc tous les ouvrages édités sont de véritables coups de coeur. En revanche, certains n'ont pas connus le succès qu'ils mériteraient, par exemple les "Points de Vues" de Peter Kuper (Etats-Unis), deux petits bijoux d'humour noir ou encore "Peine Perdue" de Catherine Doherty (Canada), une très belle histoire autobiographique sans paroles.
Quel regard portes tu sur le milieu de l’édition de bande dessinée actuel ? Y a-t-il encore une place et une vie possible pour les petites maisons d’édition ?
Je n'ai pas tellement de recul car les éditions çà et là vont avoir tout juste trois ans, mais il y a deux choses qui me frappent : d'une part le contexte est un peu morose, le gens vont moins en librairie et semble consacrer de moins en moins de temps à la lecture de livres. D'autre part, il n'y a jamais eu autant de bonnes bandes dessinées publiées, la presse parle beaucoup des petits éditeurs et de leurs ouvrages et il y a désormais un lectorat pour les romans graphiques.
Je pense qu'il est possible de se faire une (petite) place, mais à condition de se distinguer des autres éditeurs, et de ne pas avoir d'attentes disproportionnées par rapport à la réalité du marché : c'est loin d'être l'eldorado. Il y aura toujours de la place pour les petits éditeurs qui choisissent leurs ouvrages avec discernement et les défendent avec passion.
Editions Çà et là
6 rue Jean Baptiste Vacher
77600 Bussy St Georges
Site : www.caetla.fr
Blog : http://infocaetla.over-blog.com
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