La Japan Expo fêtait du 2 au juillet 2009 ses dix ans d’existence. Avec 135 000 visiteurs l’an dernier, le festival consacré à la culture et aux loisirs japonais a gagné en popularité et confirmé sa place de référence dans le domaine. Cette année, j’ai choisi de vous présenter les invitées d’honneur de ce festival, les Clamp, célèbre quatuor féminin de mangakas, qui sont venues y célébrer leurs 20 ans de travail collectif.
Le studio Clamp, un parcours sans faute
Nées à la fin des années 60, elles vont se rencontrer très tôt (trois d’entre elles au lycée) et partager le même intérêt pour le manga. Elles travaillent ensemble depuis 20 ans, avec une discipline de fer (sans aucune vacance !) développant une expérience originale de partage des tâches et de travail collectif, qui a donné naissance à une vingtaine de séries dont de très grands succès (le total des ventes japonaises représente 90 millions d’exemplaires !).
S’inscrivant aussi bien dans le shônen, shôjo et seinen manga, explorant de nombreux domaines, de la comédie romantique à la science fiction, leurs œuvres manifestent un goût marqué pour le surnaturel, les sciences occultes et le paranormal. Par leur style graphique et par leur travail de mise en page, elles ont inspiré une partie de l'esthétique manga. Au fil du temps, les Clamp ont constitué une famille de personnages qu'elles s'amusent à faire rencontrer en dehors de leurs séries d'origine (cross over), les personnages se croisant alors que les intrigues se poursuivent en parallèle dans des mondes différents, au grand plaisir de leurs fans… Cultissimes au Japon, les Clamp seront publiées en France dès les années 90 grâce à l’éditeur Tonkam (RG Veda, Tokyo Babylon), d’autres œuvres seront traduites ensuite par Pika. Elles ont acquis une certaine notoriété chez nous autour de l’an 2000 (grâce au soutien des séries télévisées adaptant Card Captor Sakura et X). Leurs deux dernières séries toujours en cours leur ont assuré un lectorat élargi et fidèle en France (Tsubasa Reservoir Chronicle vendu à 800.000 exemplaires, XXXHolic à 350.000 exemplaires). N’oublions pas les produits dérivés, les dessins animés, les jeux vidéos, les produits musicaux à travers le monde entier qui assurent royalties et élargissent le cercle des fans au-delà des lecteurs de mangas.
Les quatre 4 mangakas
Suivant les titres, les fonctions de chacune peuvent être légèrement changées. Mais elles se répartissent le travail ainsi :
Ageha OHKAWA est chargée des scénarios et du script. Elle dit s'inspirer peu du quotidien mais plutôt de ses rêves (comme pour Trèfle, transcription quasi fidèle d’un de ses rêves).
MOKONA, la dessinatrice principale du groupe (toujours en kimono) supervise tout le travail graphique.
Tsubaki NEKOI est chargée du design des personnages, des retouches et des effets particuliers de dessin (comme le SD) ainsi que de la délicate pose des trames. (Les trames autoadhésives, feuilles de points et de motifs géométriques proposant toutes les variations possibles de gris, avec différents aspects de densités et textures permettent de mettre en relief les fonds, les vêtements, les matières... Prête à l’emploi et repositionnable, la trame est découpée avec précision au cutter puis collée sur la surface à tramer par simple pression. L'opération peut être réalisée par ordinateur mais il semblerait que Nekoi le fasse toujours manuellement…)
Satsuki IGARASHI, coordonnatrice du groupe, est chargée du découpage, du placement des textes et des noirs.
Pour en savoir plus : Animeland n°153 de Juillet/aout 2009 consacre un dossier aux Clamp. Pour voir la bobine des stars et connaître leurs œuvres, consulter le blog de Gachan concernant l’exposition qui leur était consacrée à Angoulême 2008. Exposition que vous pourrez voir enrichie à Paris du 03 juillet au 27 septembre 2009 à la Galerie des Bibliothèques, 22, rue Malher, Paris 4e (Visite guidée, ateliers d’initiation au manga…)
Conférence : Clamp à l’estomac ou le Clampette Show !
Réputées pour leur grande discrétion, voire leur invisibilité, les quatre mangakas du studio Clamp ne voyagent pas (n’ayant pas pris une semaine de vacances en 20 ans…) et apparaissent très peu en public. On imagine aisément que la pression s’exerçant sur ce groupe prolifique liée à des enjeux éditoriaux de taille doit être énorme. C’est leur première visite en France (mais aussi en Europe). Autant dire que l’occasion de les voir ne se renouvellera pas de sitôt, d’où ma grande fébrilité et excitation en me rendant à cette conférence organisée par la Japan Expo, le 4 juillet 2009. Premier choc en pénétrant dans la salle. Ambiance : c’est une salle de concert immense, entièrement noire avec jeux de lumière, écrans géants… Zut, me dis-je, j’ai dû confondre avec le prochain concert de Visual Rock… Non, non, les quatre petits sièges dressés sur la scène confirment que c’est bien Clamp qui est attendu. Le public est parqué comme pour un concert des Stones à environ 400 mètres de l’estrade puis amené en petits grappes organisées derrière les barrières qui protègent soigneusement la scène.
Les vigiles sont prêts à sauter surle moindre porteur d’appareil photo, car, comme toujours, les organisateurs japonais interdisent toute photographie des auteurs. Projection sur écran géant d’un clip où apparaissent quelques personnages des Clamp sur une chanson parfaitement niaise comme il se doit (à moins de prendre tout ça au 25ème degré), cris hystériques du public à chaque nouvelle apparition d’un personnage. Le ton est donné. Suite à un cafouillage technique ou peut être pour chauffer de nouveau la salle, seconde projection identique à la première, même délire du public. Je sens confusément qu’en fait de conférence, il va falloir se contenter d’un bain de foule spécial fan, très rajeunissant…
Elles arrivent enfin, menues et timides, avec des tenues manifestement étudiées pour la circonstance (chacune sa couleur) sous un tonnerre d’applaudissements et de hurlements. Après le salut traditionnel, elles s’assoient sagement, dos bien droits et jambes jointes, inclinées légèrement dans une délicate oblique commune, le bout des pieds à peine posé au sol, les regards baissés dans une réserve quasi soumise. Entre cette mise en scène parfaitement rigide et les hurlements du public, je me dis qu’il va falloir définitivement faire fi de la conférence de haute volée que j’espérais sur le parcours étonnant de ces mangakas. De fait, j’ai assisté à un show promotionnel de stars composé de ronds de jambes, de dialogues artificiels où l’art de la non question et de l’esquive ont atteint leur plus haut niveau, de platitudes insipides, de remerciements à n’en plus finir…, le tout parfaitement orchestré par les organisateurs de la Japan Expo, jusque dans l’invité surprise, Yui Makino, pas du tout surprise (une chanteuse qui prête sa voie à Sakura dans un anime, venue nous gratifier de quelques roucoulades supplémentaires). J’ai pu juste déceler dans un propos de Mokona une once fugace d’authenticité. En une subtile phrase que je ne saurai retranscrire, elle a lâché en gros : « merci à la Japan Expo et à nos éditeurs français d’avoir tant insisté pour nous inviter ici pour que nos éditeurs acceptent de nous lâcher la grappe pendant quelques jours… » Et oui, car plus on est connu, moins on a de libre arbitre et plus on est une star populaire du manga, moins on peut s’exprimer en public. C’est sûrement un des aspects les terrifiants de ce système de production japonais que l’on a pu approcher ici, et dont je doute que le public de fans ait perçu : votre liberté de parole voire d’action est strictement et inversement proportionnelle à votre côte de popularité. Et le métier de mangakas, loin d’être amusant, est un travail éreintant soumis à des contraintes inhumaines… Seul moment de complicité entre ces quatre femmes, celui où elles vont dessiner ensemble sur un story board les personnages de XXXHolic.
Interdit de photographier bien sûr ce petit moment magique de quinze minutes. Pour finir, pour les grands fans de Clamp, voici les 3 scoops que je peux vous transmettre : il y aura (peut être) une suite à Trèfle, il y aura (peut être) une réapparition de Schaolin, personnage de Card Captor Sakura dans une autre série pour que son amour pour Sakura puisse se concrétiser, et X aura bien une fin, elle est prévue (nous voilà rassurée car vu que la série a débuté en 1992 et compte 18 volumes, on pouvait bien se le demander…)
Une « conférence » donc qui confirme malheureusement une certaine tendance de la Japan Expo, et peut être également d’une grande catégorie d’éditeurs en France, celui de la multimédiatisation du manga assortie d’une surconsommation à outrance de la culture manga et de l’infantilisation voire de l’abêtissement du lectorat.
Nées à la fin des années 60, elles vont se rencontrer très tôt (trois d’entre elles au lycée) et partager le même intérêt pour le manga. Elles travaillent ensemble depuis 20 ans, avec une discipline de fer (sans aucune vacance !) développant une expérience originale de partage des tâches et de travail collectif, qui a donné naissance à une vingtaine de séries dont de très grands succès (le total des ventes japonaises représente 90 millions d’exemplaires !).
S’inscrivant aussi bien dans le shônen, shôjo et seinen manga, explorant de nombreux domaines, de la comédie romantique à la science fiction, leurs œuvres manifestent un goût marqué pour le surnaturel, les sciences occultes et le paranormal. Par leur style graphique et par leur travail de mise en page, elles ont inspiré une partie de l'esthétique manga. Au fil du temps, les Clamp ont constitué une famille de personnages qu'elles s'amusent à faire rencontrer en dehors de leurs séries d'origine (cross over), les personnages se croisant alors que les intrigues se poursuivent en parallèle dans des mondes différents, au grand plaisir de leurs fans… Cultissimes au Japon, les Clamp seront publiées en France dès les années 90 grâce à l’éditeur Tonkam (RG Veda, Tokyo Babylon), d’autres œuvres seront traduites ensuite par Pika. Elles ont acquis une certaine notoriété chez nous autour de l’an 2000 (grâce au soutien des séries télévisées adaptant Card Captor Sakura et X). Leurs deux dernières séries toujours en cours leur ont assuré un lectorat élargi et fidèle en France (Tsubasa Reservoir Chronicle vendu à 800.000 exemplaires, XXXHolic à 350.000 exemplaires). N’oublions pas les produits dérivés, les dessins animés, les jeux vidéos, les produits musicaux à travers le monde entier qui assurent royalties et élargissent le cercle des fans au-delà des lecteurs de mangas.
Les quatre 4 mangakas
Suivant les titres, les fonctions de chacune peuvent être légèrement changées. Mais elles se répartissent le travail ainsi :
Ageha OHKAWA est chargée des scénarios et du script. Elle dit s'inspirer peu du quotidien mais plutôt de ses rêves (comme pour Trèfle, transcription quasi fidèle d’un de ses rêves).
MOKONA, la dessinatrice principale du groupe (toujours en kimono) supervise tout le travail graphique.
Tsubaki NEKOI est chargée du design des personnages, des retouches et des effets particuliers de dessin (comme le SD) ainsi que de la délicate pose des trames. (Les trames autoadhésives, feuilles de points et de motifs géométriques proposant toutes les variations possibles de gris, avec différents aspects de densités et textures permettent de mettre en relief les fonds, les vêtements, les matières... Prête à l’emploi et repositionnable, la trame est découpée avec précision au cutter puis collée sur la surface à tramer par simple pression. L'opération peut être réalisée par ordinateur mais il semblerait que Nekoi le fasse toujours manuellement…)
Satsuki IGARASHI, coordonnatrice du groupe, est chargée du découpage, du placement des textes et des noirs.
Pour en savoir plus : Animeland n°153 de Juillet/aout 2009 consacre un dossier aux Clamp. Pour voir la bobine des stars et connaître leurs œuvres, consulter le blog de Gachan concernant l’exposition qui leur était consacrée à Angoulême 2008. Exposition que vous pourrez voir enrichie à Paris du 03 juillet au 27 septembre 2009 à la Galerie des Bibliothèques, 22, rue Malher, Paris 4e (Visite guidée, ateliers d’initiation au manga…)
Conférence : Clamp à l’estomac ou le Clampette Show !
Réputées pour leur grande discrétion, voire leur invisibilité, les quatre mangakas du studio Clamp ne voyagent pas (n’ayant pas pris une semaine de vacances en 20 ans…) et apparaissent très peu en public. On imagine aisément que la pression s’exerçant sur ce groupe prolifique liée à des enjeux éditoriaux de taille doit être énorme. C’est leur première visite en France (mais aussi en Europe). Autant dire que l’occasion de les voir ne se renouvellera pas de sitôt, d’où ma grande fébrilité et excitation en me rendant à cette conférence organisée par la Japan Expo, le 4 juillet 2009. Premier choc en pénétrant dans la salle. Ambiance : c’est une salle de concert immense, entièrement noire avec jeux de lumière, écrans géants… Zut, me dis-je, j’ai dû confondre avec le prochain concert de Visual Rock… Non, non, les quatre petits sièges dressés sur la scène confirment que c’est bien Clamp qui est attendu. Le public est parqué comme pour un concert des Stones à environ 400 mètres de l’estrade puis amené en petits grappes organisées derrière les barrières qui protègent soigneusement la scène.
Les vigiles sont prêts à sauter surle moindre porteur d’appareil photo, car, comme toujours, les organisateurs japonais interdisent toute photographie des auteurs. Projection sur écran géant d’un clip où apparaissent quelques personnages des Clamp sur une chanson parfaitement niaise comme il se doit (à moins de prendre tout ça au 25ème degré), cris hystériques du public à chaque nouvelle apparition d’un personnage. Le ton est donné. Suite à un cafouillage technique ou peut être pour chauffer de nouveau la salle, seconde projection identique à la première, même délire du public. Je sens confusément qu’en fait de conférence, il va falloir se contenter d’un bain de foule spécial fan, très rajeunissant…
Elles arrivent enfin, menues et timides, avec des tenues manifestement étudiées pour la circonstance (chacune sa couleur) sous un tonnerre d’applaudissements et de hurlements. Après le salut traditionnel, elles s’assoient sagement, dos bien droits et jambes jointes, inclinées légèrement dans une délicate oblique commune, le bout des pieds à peine posé au sol, les regards baissés dans une réserve quasi soumise. Entre cette mise en scène parfaitement rigide et les hurlements du public, je me dis qu’il va falloir définitivement faire fi de la conférence de haute volée que j’espérais sur le parcours étonnant de ces mangakas. De fait, j’ai assisté à un show promotionnel de stars composé de ronds de jambes, de dialogues artificiels où l’art de la non question et de l’esquive ont atteint leur plus haut niveau, de platitudes insipides, de remerciements à n’en plus finir…, le tout parfaitement orchestré par les organisateurs de la Japan Expo, jusque dans l’invité surprise, Yui Makino, pas du tout surprise (une chanteuse qui prête sa voie à Sakura dans un anime, venue nous gratifier de quelques roucoulades supplémentaires). J’ai pu juste déceler dans un propos de Mokona une once fugace d’authenticité. En une subtile phrase que je ne saurai retranscrire, elle a lâché en gros : « merci à la Japan Expo et à nos éditeurs français d’avoir tant insisté pour nous inviter ici pour que nos éditeurs acceptent de nous lâcher la grappe pendant quelques jours… » Et oui, car plus on est connu, moins on a de libre arbitre et plus on est une star populaire du manga, moins on peut s’exprimer en public. C’est sûrement un des aspects les terrifiants de ce système de production japonais que l’on a pu approcher ici, et dont je doute que le public de fans ait perçu : votre liberté de parole voire d’action est strictement et inversement proportionnelle à votre côte de popularité. Et le métier de mangakas, loin d’être amusant, est un travail éreintant soumis à des contraintes inhumaines… Seul moment de complicité entre ces quatre femmes, celui où elles vont dessiner ensemble sur un story board les personnages de XXXHolic.
Interdit de photographier bien sûr ce petit moment magique de quinze minutes. Pour finir, pour les grands fans de Clamp, voici les 3 scoops que je peux vous transmettre : il y aura (peut être) une suite à Trèfle, il y aura (peut être) une réapparition de Schaolin, personnage de Card Captor Sakura dans une autre série pour que son amour pour Sakura puisse se concrétiser, et X aura bien une fin, elle est prévue (nous voilà rassurée car vu que la série a débuté en 1992 et compte 18 volumes, on pouvait bien se le demander…)
Une « conférence » donc qui confirme malheureusement une certaine tendance de la Japan Expo, et peut être également d’une grande catégorie d’éditeurs en France, celui de la multimédiatisation du manga assortie d’une surconsommation à outrance de la culture manga et de l’infantilisation voire de l’abêtissement du lectorat.
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