Les Indes Fourbes, rencontre avec Alain Ayroles et Juanjo Guarnido

Rencontre publique autour de l'album Les Indes Fourbes, 
organisée par la Librairie Bulle, Le Mans, le 06/09/2019
au Musée de Tessé
animée par Agnès Deyzieux, retransmise en direct par LMTV

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Voici les questions qui ont été posées aux invités, Alain Ayroles et Juanjo Guarnido. 

Pour voir et écouter l'émission télé, cliquer  ici


En guise d'introduction, pour vous présenter, un petit mot sur vos parcours respectifs.
-Alain Ayroles, vous vous êtes fait connaitre avec deux séries qui ont marqué le monde de la bande dessinée : Garulfo, un conte de fées humoristique et De Capes et Ce Crocs, une comédie de cape et d'épée marquée par la littérature du 17ème. La parodie,  le détournement, le pastiche sont des pratiques que vous affectionnez. Qu'est-ce qui vous séduit tant dans cet art du détournement et de la référence littéraire que nous allons retrouver avec ce nouvel album ?
-Juanjo Guarnido, vous avez réalisé la célèbre série Blacksad scénarisée par Juan Diaz Canales qui connait depuis plusieurs années un grand succès. Vous avez également réalisé des séries d'animation, puisque vous avez œuvré au sein du studio Disney de Montreuil. Est-ce que le fait d'avoir été animateur de séries dessinées apporte quelque chose de particulier à votre dessin en bande dessinée, dans la dynamique du trait ou dans l’expressivité des personnages ?

-Quelles sont les qualités que vous appréciez l'un chez l'autre, qui vous ont donné envie de réaliser cet album ensemble ?
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-Les Indes fourbes est un récit truculent qui met en scène Pablos, un personnage crée il y a 400 ans par Francisco de Quevedo dans El Buscon. Comment l'envie vous est venue d'imaginer une suite à ce roman picaresque et de redonner vie à ce Pablos ? Est-ce plutôt de votre fait, Juanjo Guarnido, en tant qu'espagnol attaché à son patrimoine littéraire ou du vôtre, Alain Ayroles, en tant qu’amoureux de la littérature du 17ème ?

-Pablos est un gueux qui est prêt à tout pour se hisser dans la société de son époque, l'Espagne du 17ème siècle, pays qu'il va quitter pour  tenter sa chance en Amérique latine, ce nouveau monde qui symbolise l'eldorado et que l’on nomme encore les Indes. Il n’hésite pas à faire ce qu’il faut pour survivre : c'est à dire mentir, tricher, voler, escroquer, mendier, prostituer, dénoncer, bref abuser de tout le monde... Pourtant, c'est un personnage très attachant, peut-être parce qu'il a beaucoup souffert et qu'il continue d'essuyer bien des échecs… Juanjo Guarnido, est- ce compliqué de créer le visage de quelqu'un qui doit être à la fois attachant et repoussant ? Comment avez-vous composé son portrait ?
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-Alain Ayroles, vous avez donné un trait de personnalité particulier à Pablos : il est un acteur de théâtre né, il sait divertir par des pantomimes tous les publics, ce qui le sauve bien des fois. Il rappelle aussi bien le Scaramouche de la comedia dell'arte que Scapin, le valet de Molière. Est-ce vous qui avez joué sur cette dimension de théâtre du personnage ou était-elle déjà chez Quevedo ?

-Il y a des références très marquées à la peinture dans les premières pages de l’album mais visibles dès la couverture. Qu'est-ce qui a motivé ce portrait à la peinture à l’huile à la manière de Velasquez ou de Rubens, où Pablos pose avec un petit sourire malicieux qui contraste avec son apparence quasi princière ?
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-J'ai beaucoup apprécié les premières pages qui nous introduisent à la cour d'Espagne au moment même où Velasquez est en train de peindre le couple royal et qui fait référence au fameux tableau des Ménines que vous vous amusez en quelque sorte à animer. Qu'est ce qui vous a donné envie de débuter par la mise en scène de ce célèbre tableau ?
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-C'est aussi une scène assez troublante pour le lecteur. On cherche en vain le narrateur que l'on l'entend parler mais qu'on ne voit pas. Est-ce une façon de prévenir le lecteur que vous allez jouer avec lui et qu'il va falloir qu'il se montre attentif ?
-Alain Ayroles. Le scénario des Inde fourbes regorge de rebondissements et de fausses pistes, de dialogues savoureux, de références artistiques. Comment avez-vous élaboré ce scénario ? Vous êtes vous particulièrement imprégné du style ou du ton de Quevedo ? Et ensuite, avez-vous écrit ce scénario d'un seul coup ou par petits bouts qui ont grossi ?

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-Comment s'est déroulée votre collaboration ?

-Dans le chapitre un, tout est raconté par Pablos, comme dans le roman de Quevedo qui est à la première personne mais dans les deux autres chapitres de l'album, d'autres personnages vont prendre la parole. Et on s'aperçoit que si Pablos ment souvent, tout le monde, quelque soit sa condition, est aussi fourbe que lui. Le mensonge est donc vraiment au cœur du récit, ce qui va créer bien des fausses pistes et de faux semblants, chacun racontant les mêmes faits selon son propre point de vue. Comment vous est venue l'idée de donner la parole à d'autres personnages dans les deux autres chapitres, vous démarquant ainsi du roman de Quevedo ? Est-ce une façon de montrer que Pablos n'est pas pire que les autres ? Et comment avez vous réussi à ne pas vous perdre dans tous ces récits à tiroirs ?
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-Le récit fourmille de petites allusions ou références qui vont de Cervantès à Hergé, en passant par la Controverse de Valladolid ou Aguirre et la colère de Dieu, c'est assez jubilatoire pour le lecteur ! Il y a aussi un humour très cartoon, un humour de situation ou de running gag (je pense à l'aversion des chiens, des chevaux et des lamas pour Pablos). Ce qui est assez fascinant, c'est que l'humour peut venir aussi bien des évènements comme des réparties des personnages mais aussi du dessin, en particulier dans les expressions des corps et des visages. Les personnages ont des trognes pas possibles, en particulier les notables de Cuzco.
Juanjo Guarnido, comment avez vous travaillé ces personnages graphiquement ? Où avez vous puisé votre inspiration?
Alain : comment un scénariste travaille-t- il cet aspect humoristique ?
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-Juanjo Guarnido, vous avez un dessin très réaliste et travaillé au niveau des décors, des costumes, et en même temps il y a un côté très spontané et dynamique dans le jeu et les expressions des personnages. Avez-vous particulièrement travaillé cet aspect cartoon des personnages ?

-Alain Ayroles, il y a beaucoup de jeux entre les images et textes et le lecteur comprend qu'il y a souvent des distorsions entre ce qui est raconté et montré, ce qui va être source d'humour et permettre aussi au récit de se régénérer. Des images vont revenir au cours du récit, se faire écho et prendre des sens différents. Comment avez vous conçu ce montage si subtil ? Est ce très pensé au départ ou les idées viennent elles en cours de réalisation ?  
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-Juanjo Guarnido, il y a un grand passage spectaculaire d'une douzaine de pages entièrement muettes, dans la jungle amazonienne, d'où se dégage un beau souffle épique. Est-ce que ce passage vous a donné beaucoup de plaisir ou plutôt beaucoup de travail ?
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-Juanjo Guarnido, il y a un travail de dessin époustouflant au niveau des paysages comme au niveau des décors, que l’on soit dans des appartements cossus ou dans des villages sauvages, au niveau des costumes également... Quelle est l'importance de la documentation dans un travail pareil ?
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-Les couleurs sont très variées et immersives pour le lecteur et ont aussi un rôle narratif dans les séquences en flash back. La mise en couleurs demande quelles qualités selon vous  : de la précision, de la patience, la connaissance des rapports de couleurs ? Vu l’ampleur de l’album, vous êtes-vous fait seconder ou aider pour cette mise en couleurs ?

-Juanjo Guarnido, on dit que vous avez passé plus de trois ans à travailler sur le dessin de cet album. Comment vit-on cette expérience, comme une épreuve ou un plaisir ?

-Alain Ayroles, vous suggérez à la fin que, seul, le portraitiste Velasquez est capable de percevoir la réalité alors que les autres personnages restent dans l'illusion. Est-ce une façon de dire au lecteur que la vérité ne reste accessible qu'à l'artiste qui finalement garde le secret et joue à duper tout le monde ? Et qu'au final l'art comme la vie n'est qu'une illusion ?

-Les Indes Fourbes, c'est un album hors norme tant par ces qualités scénaristique et graphiques que par format, sa pagination, la qualité éditoriale de l'album, le nombre de tirages annoncés, 120 000 exemplaires. Vous vous êtes beaucoup investi manifestement mais il semble que votre éditeur aussi, éditeur qu’on n’a pas encore nommé et qui est donc Delcourt. C’est une marque de confiance importante que vous fait là l’éditeur ?

-Quels sont vos projets ?


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Un grand merci au Musée de Tessé pour son accueil et sa mise en scène originale des planches de Juanjo Guarnido au sein de ses collections de peinture.
Un grand merci également aux auteurs pour leur gentillesse et leur disponibilité ainsi qu'à toute l'équipe Delcourt.

Samuel Chauveau, de la librairie Bulle, travaille depuis un an avec l’éditeur pour accueillir les deux auteurs des « Indes Fourbes ».
Samuel Chauveau de la Librairie Bulle au Musée de Tessé



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