Angoulême en 48 heures chrono

Ou le tour du monde de la bande dessinée en deux jours !

Arrivée mercredi 28 janvier à 18 heures gare d’Angoulême, je suis à 18h30, au CIBDI (Centre International de la Bande Dessinée et de l’Image) pour l’exposition consacrée à Dupuy et Berberian, couronnés par le Grand Prix 2008 de la ville d’Angoulême.

Ce duo d’auteurs qui cosigne à parité toutes ses créations, dessin et scénario, a produit en 25 ans une vingtaine d’albums. Ce parcours en tandem, atypique dans l’univers de la bande dessinée, est symbolisé dès l’entrée de l’exposition par une grosse machine à dessiner à 4 mains. Les diverses salles exposent de nombreuses planches originales retraçant les principaux univers narratifs des auteurs : Monsieur Jean, ce parisien nonchalant qui vieillit au fil des épisodes (8 volumes), Henriette, une adolescente complexée par son physique peu avantageux qui tient son fameux journal (7 volumes). Deux grands cubes rassemblent l’intégrale des 120 planches originales du Journal d’un album, publié à l’Association en 1994, exercice d’autofiction qui a beaucoup marqué lecteurs et auteurs de bande dessinée. Enfin, un cabinet des curiosités rassemble des planches d’auteurs collectionnées et chères à nos auteurs (Blutch, Chaland, Cézard, Denis…) et des montages audiovisuels. Leur style graphique élégant et épuré, très inspiré de la ligne claire et leurs récits axés sur le quotidien, ses tracas et ses bonheurs, à la fois légers et spirituels, ont façonné un univers graphique et narratif significatif dans l’univers de la bande dessinée. Mon conseil : pour les CDI, Le Journal d’Henriette et Henriette (Les Humanos), dès le collège.

Après une soirée sympathique avec des collectionneurs de bande dessinée, chasseurs de la dédicace rare et de la planche originale (certains en possèdent des centaines achetées au moment où le marché était encore abordable), nous revoilà Jeudi 29 janvier dès 10 heures à l’ouverture de l’exposition « Ceci n’est pas la bande dessinée flamande », la Flandre étant l’invitée d’honneur du Festival cette année.

De la bande dessinée flamande, le public français ne connaît que Bob et Bobette, ce classique de Vandersteen publié naguère dans le journal de Tintin ou alors des œuvres de Morris, Vance ou Bob de Moor. Pourtant depuis quelques années, une nouvelle génération d’auteurs voit ses œuvres traduites en français. On y verra donc, dans une installation scénographiée, des œuvres très diverses de Nix, papa de Kinky et Cosy, les deux jumelles blondes infernales, Luc Cromheeke et son hilarant Plunk ! publié dans le journal de Spirou, ou de Pieter de Poortere qui met en scène, dans des aventures muettes, Dickie, un agriculteur rondouillard et moustachu. Du minimalisme rond de cet auteur à la ligne claire de Reinhart, du style exubérant de Jeroen Jannssen à la peinture de Gerolf Van de Perre, la nouvelle bande dessinée flamande ne se laisse enfermer dans aucun genre ni style, toutes les tendances et innovations graphiques sont ici exprimées.Une découverte somme toute (pour moi) assez inattendue ! L’ensemble du monde éditorial flamand est d’ailleurs venu en force au festival, une dizaine de maisons néerlandaises et flamandes y présenteront ouvrages et auteurs et organisera dédicaces et animations diverses. Mon conseil : pour les CDI, Plunk !(Dupuis), dès le collège.

En sortant, devant l’Hôtel de ville, coup d’œil à l’exposition en plein air consacré à Boule et Bill. Et oui, le Festival a voulu rendre hommage à cette série qui fête ses 50 ans ! 36 panneaux thématiques assez imposants mettent en relief la genèse de la série, son évolution, ses décors spécifiques… De nombreuses animations pour les enfants ont lieu au Pôle Jeunesse qui reconstitue en trois dimensions le jardin de Boule et Bill.

Fin de matinée, je me rends au charmant Hôtel St Simon qui accueille le Théâtre des merveilles, une exposition commune pour trois œuvres françaises inspirées par le théâtre et le merveilleux. Il s’agit de Garulfo (Ayroles et Maïorana), De cape et de crocs (Ayroles et Masbou) et de La Nef des fous (Turf), édités par Delcourt. Nourries de références foisonnantes, de Cyrano de Bergerac à la commedia dell’arte, de Molière au roman de Renart, ces œuvres rendent un hommage explicite à l’univers du théâtre et du conte.

Une sélection de planches originales présentées dans un décor recréant les ambiances propres aux trois univers nous replongent au cœur des voyages des deux fiers bretteurs, Armand Raynal de Maupertuis et Don Lope, respectivement renard et loup, nous rappellent les déboires de la désopilante Grenouille qui voulait devenir prince, ou nous renvoient au royaume d’Eauxfolles où le terrible Grand Coordinateur projette de renverser la monarchie des Pois pour instaurer l’empire des Rayures...

Une très jolie balade dans le monde de la fantasmagorie, en compagnie d’un scénariste vraiment éblouissant (Ayroles) et de dessinateurs non moins remarquables. Mon conseil : 3 séries à recommander dans tous les CDI (collèges comme lycées). Pour les plus jeunes, commencer avec Garulfo. Les profs de lettres apprécient souvent De Cape et de Crocs…

Un petit saut au Théâtre pour l’exposition Lucien de Frank Margerin, ancien Grand Prix d’Angoulême en 1992. Cette exposition est un hommage à son personnage de rocker au cœur tendre. En retraçant depuis Ricky Banlieue les débuts du groupe de rock monté avec Lucien et ses potes, elle nous renvoie une image souriante de la France des années 80. Tout cela a pris un petit coup de vieux comme Lucien qui, dans son dernier album, la cinquantaine bien tassée, arbore la banane grisonnante et le ventre bedonnant… Mais bonne humeur et simplicité sont toujours au rendez vous.

Pause déjeuner en compagnie d’un ancien collègue bibliothécaire devenu éditeur alternatif (La Cafetière illustrée) : âpres discussions sur le marché de la bande dessinée marqué par une surproduction croissante depuis un dizaine d’années, d’où une durée de vie très courte des albums en librairie, d’ où la difficulté d’être un petit éditeur en face des gros…

A 14h30, dans un salon intimiste de l’Hôtel du Palais, j’assiste à une conférence du cycle Rencontres Autobiographiques intitulée Mon Histoire, question personnelle et histoire collective. (Chaque jour, une conférence réunit 4 auteurs sur le thème de la bande dessinée autobiographique).

Aujourd’hui sont réunis (la fort jolie) Karlien de Villiers pour son album Ma mère était une très belle femme, qui raconte sa jeunesse de petite fille blanche dans une famille d’afrikaners au moment où le régime de l’apartheid vacille (édité chez Ca et Là) ; Kris pour Coupures Irlandaises (chez Futuropolis), un récit basé sur un voyage à Belfast où, adolescent, il découvre la dure réalité du conflit Nord Irlandais ; Nicolas Wild pour Kaboul Disco (La Boite à Bulles), reportage autobiographique en Afghanistan où l’auteur observe les balbutiements de la reconstitution hésitante du pays, et enfin (la non moins belle) Zeina Abiracheb pour Je me souviens Beyrouth (Cambourakis) où elle évoque des scènes de son enfance et de son adolescence dans un Liban en guerre. (A signaler également son très bel album Mourir, partir, le jeu des hirondelles). Débats très sérieux sur le souci de véracité historique dans le récit autobiographique mettant en scène des évènements historiques, sur la nécessité du témoignage dans un pays en guerre, des problèmes de la représentation graphique (l’auto représentation) et de la narration propre à l’autofiction. Mon conseil : Tous ses titres peuvent figurer au lycée. Les albums de Zeina Abiracheb plaisent aussi souvent aux enseignants.

Changement de lieu (toujours à papattes), changement d’atmosphère. Retour au CIBDI pour l’exposition consacrée à Kiriko Nananan, une jeune mangaka, dont les titres sont traduits dans la collection Sakka de Casterman.

Son style minimaliste est parfaitement mis en valeur par l’exposition qui reproduit sur de très grands panneaux quelques planches tirées de Blue, mélancolique récit d'amour entre deux lycéenne ou de Strawberry shortcakes, tranches de vie errantes de trois jeunes femmes japonaises. Ses œuvres qui abordent de l'intérieur les sentiments et la sexualité féminine offrent une mise en page très singulière mettant en valeur le blanc de la page, alternant des visages en gros plans, des objets décadrés, des silhouettes de dos…Un dessin à la fois lisse, neutre et contracté d’où émergent les tensions et les tourments intimes. A conseiller à un public mature, prêt à découvrir une autre facette du manga.

Juste à côté, un univers très différent, plus trash et exubérant, celui consacré à la bande dessinée d’Afrique du Sud et en particulier à la revue Bitterkomix (littéralement bande dessinée amère).Ce périodique indépendant publié en afrikaans (la langue d’origine flamande importée par les colonisateurs Boers) créé en 1992 regroupe de fortes individualités (Anton Kannemeyer, Conrad Botes) qui mettent en œuvre une critique radicale de la culture afrikaner en détournant ses codes, mœurs, icônes et langue. Acerbes, ironiques, engagés, leurs travaux questionnent les fondements de l’identité et de la culture sud africaines d’aujourd’hui. Quatre auteurs de ce collectif sont présents sur le Festival et c’est l’Association qui publie une anthologie Bitterkomix alors que Conrad Botes est publié chez Cornélius. A réserver à des lecteurs avertis, capables de saisir les enjeux subversifs de l’entreprise !

Petite pause lecture à la bibliothèque du CIBDI, consacrée uniquement à la bande dessinée. C’est ici que le festivalier en toute quiétude peut dévorer. Toute la production est là, à portée de main. Il faudrait pouvoir y rester quelques jours… Inaugurée en 1990, la bibliothèque possède une salle de lecture de 300 m2 qui propose en accès libre environ 16 000 albums et ouvrages documentaires et une centaine de titres de périodiques. Elle possède également un fonds patrimonial important : 60 000 albums et ouvrages acquis grâce au dépôt légal (une convention signée en 1984 avec la Bibliothèque nationale de France qui rétrocède un des exemplaires qu'elle reçoit au titre du dépôt légal). Son catalogue informatisé est consultable sur le site du CIBDI. Je complète donc quelques lacunes en bouquinant les titres Essentiels (une sélection de plus de 50 titres publiés dans l’année susceptibles d’être primés) puis je reprends la route…

Juste devant le CIBDI, en 5 minutes, je change de continent, traverse les mers et me retrouve à Sai Comics, à la rencontre de la bande dessinée coréenne indépendante.

Fondé en 2002 à Séoul, le collectif Sai Comics (en coréen, Sae Manhwa Chaek qui peut se traduire par nouvelle bande dessinée) regroupe une trentaine d’auteurs qui affichent leurs ambitions : parler du présent et de l’histoire déchirée de la Corée, de ses problématiques actuelles, favoriser les récits autobiographiques… Une douzaine de ces auteurs ont fait le voyage jusqu’à Angoulême pour animer l’exposition, dessinant en direct sur le site même. C’est de ce collectif d’ailleurs qu’est issu Kun-Woon Park dont nous présentons le colossal album intitulé Massacre au pont de No Gun Ri, édité chez Vertige Graphic, à lire de toute urgence et à recommander à des lycéens qui n’ont pas peur des « grosses » bandes dessinées. (cf. chroniques albums)

Et enfin, finissons la journée avec une exposition-installation consacrée au parcours de Winshluss, de son vrai nom Vincent Paronnaud, que vous devez forcément connaître depuis sa coréalisation avec Marjane Satrapi du film Persépolis. Auteur de Smart Monkey (Cornélius, 2004), pilier et rédacteur en chef du magazine Ferraille Illustré (Requins Marteaux), il est un des auteurs majeurs de la bande dessinée alternative, riche en recherches expérimentales et innovations graphiques. Dans une scénographie grinçante propre à l’humour noir et provocateur de cet auteur -un cimetière où figurent à côté de sa propre tombe celles de quelques compères (Cizo, avec qui il réalise Wizz et Buzz et M. Ferraille)- sont exposées les planches retraçant quelques épisodes de sa carrière, en particulière la saga de M. Ferraille, un de ses personnages fétiches. En imaginant la magnifique épopée commerciale de ce personnage, une espèce de robot devenue star de la bande dessinée et du cinéma, les auteurs revisitent avec cynisme et jubilation l’histoire de la bande dessinée et l’Histoire, se livrant ainsi à « une majestueuse opération de détournement et de sabordage de tout ce que la bande dessinée a pu produire comme clichés depuis les années 30 ». Ne pouvant voir pour des questions d’horaires (regrets) le nouveau long métrage réalisé par Winshluss, intitulée Villemole, je me venge en regardant (pour la énième fois) quelques films consacrés au fameux M.Ferraille. Quel bonheur de retrouver ce bon vieux robot entouré de Franky Balloney, l’éditeur véreux et d’Edouard-Michel Méroll, le magnat international des huiles qui investit dans la presse bande dessinée…

Mais en nouveauté, il ya bien sûr des planches de son tout frais Pinocchio (qui dans 3 jours allait obtenir le Fauve d’Or, Prix du meilleur album 2009). Cette revisitation très, très libre du roman de Collodi ne pourra pas, hélas, figurer dans nos rayonnages : trop trash, trop triste, trop violent, trop déjanté, trop fou… Bref, à lire dans votre canapé !

Pour passer un moment de franche rigolade, visitez le site des Requins Marteaux et en particulier le Supermarché Ferraille (www.lesrequinsmarteaux.org)

Certains auront encore la force de se rendre au concert illustré donné dans la soirée au Théâtre, Arthur H au programme accompagné en direct par Christophe Blain qui dessine sur écran géant… Je ne suis pas de ceux là et me contente de bavarder jusque tard dans la nuit à la terrasse du Chat Noir, repaire des festivaliers, bondée depuis qu’on ne peut plus y fumer à l’intérieur. Certains y exhibent les dédicaces précieusement acquises après des heures d’attente, d’autres noient leur déception dans la bière…

Vendredi 30 janvier, 10 heures, je me rends au Manga Building, cap sur l’exposition Shigeru Mizuki, un des plus grands maîtres du manga, quasiment au même titre qu’Osamu Tezuka.

Il a reçu le prix du meilleur album 2006 pour NonNonBâ. Sur une surface d’environ 200m², l’exposition se divise en 4 espaces. Le premier retrace la vie et la carrière de l’auteur, et son histoire n’a rien à envier à celle d’un personnage de fiction. Une immense fresque dessinée par ses soins retrace d’ailleurs joliment sa vie.

Né en 1922, peu doué pour les études mais féru de dessin qu’il pratique très tôt, Shigeru Mura aura une enfance heureuse, bercé par les contes de NonNonbâ, une vieille femme qui vit avec sa famille, et qui lui révèle le monde invisible des yokaïs qui allaient le passionner toute sa vie durant. Celle-ci lui décrit dès son plus jeune âge les mystères de ces créatures surnaturelles, inaccessibles aux esprits rationnels mais qui peuplent notre monde. Sa jeunesse insouciante s’interrompra brutalement en 1943, le jour où il reçoit l’ordre de rejoindre son régiment d’infanterie. Il est envoyé à Rabaul, sur l’île de Nouvelle Bretagne (Nouvelle Guinée actuelle). Il y connaîtra le calvaire du soldat martyrisé par ses supérieurs et condamné à obéir à des ordres absurdes qu’il retracera dans son Opération Mort (cf. présentation de cet ouvrage dans les chroniques, qui vient d’être couronné du Prix Patrimoine du Festival). Mizuki perdra son bras gauche arraché par un obus et sera recueilli et sauvé par des indigènes de la tribu Torai avec qui il gardera des liens d’amitié toute sa vie. La guerre terminée, il rentre au Japon et doit réapprendre à dessiner de la main droite car… il était gaucher.

Il prend la gérance d’un immeuble à Kobé, situé rue Mizuki qui lui inspirera son nom de plume. En 1957, installé à Tokyo, il publie ses premiers récits, histoires comiques et récits antimilitaristes, marqués par son expérience douloureuse de la guerre. Mais c’est son Kitaro qui dans les années 60 va le rendre célèbre. Ce petit garçon borgne, ultime descendant d’une famille de morts vivants, qui fréquente toutes sortes d’êtres étranges est un chasseur de yokais. Accompagné de son père (un œil minuscule sur pattes) et affublé de son fameux gilet noir et jaune (aux pouvoirs magiques), il sillonne les routes du Japon pour défendre les humains des monstres et esprits facétieux, parfois très dangereux. ….

C’est à cette série-phare qui oscille entre humour et angoisse et à cet univers composé de monstres, fantômes et esprits qu’est consacrée le second espace de l’exposition. Le génie de Mizuki qui a lancé le courant « yokai manga » dans les années 60/70 est d’avoir su mettre en scène avec drôlerie et imagination cet univers du bestiaire folklorique nippon, réconciliant les jeunes lecteurs japonais avec les figures mythiques de leur culture, empreinte d’animisme. Il a d’ailleurs réalisé et illustré un Dictionnaire des Yokais (publié en 2 volumes chez Pika) où chaque page nous présente une de ces créatures, les particularités, les anecdotes ou légendes qui y sont liées. Passionnant pour ceux qui ont envie de rêver, de lire des petites histoires courtes (une page par yôkai) et fantastiques. Membre de la société d’ethnologie japonaise, Mizuki a participé en collectant et ressuscitant ces créatures à leur vulgarisation. Sakaiminato, sa ville natale lui a d’ailleurs rendu hommage en érigeant dans une rue à son nom 83 statues de bronze représentant les yokais du maître… Une salle de projection permet de voir quelques extraits des différentes séries animées tirées de Kitaro, depuis les années 60 jusqu’aux dernières versions. (Un long métrage live de Kitaro est même sorti en 2007, démontrant la constante popularité de ce personnage).

Enfin, le dernier espace qui évoque une allée de torii, (portique marquant l’entrée des sanctuaires shintoïstes séparant le monde réel du sacré), nous introduit au cœur de l’œuvre de Mizuki et nous permet d’apprécier l’esprit malicieux comme le talent graphique du maître qui s’inscrit dans l’art traditionnel nippon. Il s’agit d’une série d’illustrations réalisée en 2007 qui fait référence à la célèbre série d’estampes du peintre Hiroshige intitulée « les 53 étapes de la route de Tokaido » (18333-1834). Mizuki s’est amusé à dessiner les compositions d’origine à l’identique en y intégrant des yokais de sa création ( en particulier de Kitaro) ! Ces illustrations qui ont demandé deux ans de réalisation ont été fabriquées en respectant la technique traditionnelle des estampes.

Est- ce la raison pour laquelle que ces images nous impressionnent ? Leur minutie, leur finesse, la vivacité de leurs couleurs sont-elles dues à cette technique exceptionnelle de reproduction ? Ou est ce l’humour, la fantaisie, la gaité, l’insolite qui viennent détourner, pasticher, rendre hommage à l’œuvre originale d’ Hiroshige qui nous séduisent le plus ? Vous pourrez vous faire une idée en jetant un coup d’œil à ce site (www.monkdogz.com) qui expose en regard quelques estampes d’Hiroshige et de Mizuki.

Agé de 87 ans, ce raconteur d’histoires et voyageur infatigable a sillonné le monde, à la rencontre de cultures autochtones (il possède une collection d’objets d’arts primitifs unique au Japon). Je vous le disais en introduction, ce mangaka à la vie aussi intense qu’un héros de manga nous livre une œuvre forte et passionnante, à découvrir à tout âge. Mon conseil : NonNonbâ et Opération Mort pour les CDI de Lycée. A proposer aux enseignants.

A l’entrée de l’exposition consacrée à Mizuki, se trouvent exposés quelques originaux d’Hirata, grand mangaka (que nous rencontrerons cet après midi). L’exposition est un peu réduite ne présentant que quelques planches extraites d’ œuvres traduites en France (Satsuma, l’honneur des samouraïs ou de L’âme du Kyudo), mais l’incroyable talent de ce dessinateur saute littéralement aux yeux.La finesse de ses dessins, leur délicate mise en couleurs, tout ce que souvent l’édition trahit en affaiblissant ou en réduisant, font vivement réagir les visiteurs. J’observe amusée un couple de personnes âgés qui sont tellement séduits qu’ils vont prendre chaque planche en photo malgré l’interdiction formelle d’user de son appareil… Vous en saurez plus sur ce dessinateur, en continuant votre lecture et en m’accompagnant à sa conférence

Petite pause déjeuner, court passage dans une des Bulles, un des immenses espaces toilés qui regroupent les stands des éditeurs. Celle-ci intitulée Nouveau Monde accueille l’édition indépendante et alternative. (L’autre grande Bulle, Le Monde des Bulles, est consacrée aux grandes maisons de l’édition franco-belge, du comics et du manga). Déambulation entre les stands des éditeurs, dédicaces, discussions, rencontres…

Retour à l’Hôtel de Ville où deux salons sont transformés en salle de presse. C’est là que je vais rencontrer Ken Niimura, un jeune auteur pour son album Je tue des géants, que je vous propose de découvrir immédiatement ! (dans interview d'auteur)

Après cette interview, je file au pas de course au CIBDI pour ne pas rater la conférence d’un de mes mangakas préférés, Hiroshi Hirata ! Ce n’est pas souvent qu’on peut rencontrer un auteur japonais, il ne faut surtout pas rater cette occasion exceptionnelle ! Je trouve mon maître assis à l’entrée de la salle, disponible, acceptant de dédicacer sur un coin de table ses oeuvres à quelques admirateurs bien inspirés, je mange mon poing de dépit d’être venue sans ma valise de mangas…

Je vous propose une retranscription de cette conférence, mais surtout vous invite à lire L’âme du Kyudo, qui décrit la folie et la grandeur du toshiya, une compétition de tir à l’arc pour laquelle les samouraïs sont prêts à tout… et qui est une bonne introduction à l’oeuvre de cet auteur. A recommander dans les CDI de lycée.

Pleine de l’énergie du samourai, je brave la longue côte raide de la sortie du CIBDI jusqu’au centre ville. Les rues sont bondées, il fait plus doux que d’habitude et le festivalier est fumeur et buveur… La soirée commence et se poursuivra avec la projection en avant première d’un film d’animation Le sens de la vie pour 9 dollars 99, (adapté des récits d’Etgar Keret et réalisé par Tatia Rosenthal) que je vous recommande vivement (sortie prévue en avril). Un film décalé, entièrement réalisés en silicone, mais sidérant de réalisme, où les habitants d’un même immeuble cherchent un sens à leur vie. C’est ce que va trouver un des personnages dans un livre qui ne coûte que 9 dollars 99…

Je vais me coucher emplie de pensées métaphysiques. Je rentre demain matin, samedi et laisse le Festival aux hordes prévisibles des visiteurs du week end. En espérant que ce tour 48 heures chrono vous donne envie de faire vos propres découvertes.

Article paru dans Intercdi, n°218, mars 2009

Quelques conseils si vous souhaitez vous rendre au Festival l’an prochain :
Dès septembre, vous inquiéter d’un logement possible. Les hôtels étant réservés d’une année sur l’autre, vous tourner vers les chambres d’hôtes du centre ville, pour éviter de vous retrouver très loin…
Prévoir votre itinéraire en fonction de vos centres d’intérêt en consultant à l’avance le site du Festival qui vous permettra de vous organiser. Privilégier les expositions et les conférences aux stands d’éditeurs. Réserver votre pass d’entrée sur ce même site pour éviter les files d’attente sur place.
Ne pas oublier que tout se fait à pied, prévoir donc de bonnes chaussures et un entraînement sportif adéquat.
Et attention au budget ! Voilà les trésors que je ramène !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire