Emakimono et manga, une longue histoire
Le manga se situe aux croisées
d'influences orientales et occidentales. Il s'est autant nourri des arts
graphiques et narratifs traditionnels japonais que de l'art occidental, à
travers la caricature européenne et la bande dessinée américaine très tôt
importée dans l'archipel. Voyons ici comment la peinture sur rouleaux, première
forme d'art graphique et narratif japonais, a pu exercer son influence sur le
manga.
L'emakimono
L'emakimono désigne
littéralement un "rouleau peint", en papier ou en soie. Il apparaît
vers le VIIIe siècle et reprend tout
d'abord les œuvres chinoises dont il s'inspire. Il s’affranchit ensuite de
cette influence et connaît un véritable âge d'or au Japon, aux 12e et 13e siècles.
La taille d'un rouleau varie : sa hauteur est d'environ 30 cm et sa longueur
peut dépasser les 30 mètres.
L'emakimono est un genre narratif. Il raconte une histoire ou une succession d'anecdotes, mêlant textes calligraphiés
et images. Les artistes y décrivent
des actions en continu, jouant sur la succession des plans pour organiser les
récits : tantôt fluides et dynamiques, tantôt lents et contemplatifs. Dans les emakimono
inspirés de la littérature, le texte occupe deux tiers de l'espace tandis que
d'autres œuvres privilégient l'image, parfois jusqu'à expulser le texte.
Les emakimonos sont
destinés à la lecture dans un cadre intime et non à l’exposition publique. Ils
s'adressent à une élite de lettrés
(l'aristocratie et le haut clergé). Les récits
sont lus progressivement de droite à gauche,
selon le sens d'écriture du japonais. Le lecteur déroule le rouleau de
la main gauche et l'enroule au fur et à mesure avec la main droite. De cette façon, seule une partie de l’histoire est à
découvert (environ 60 centimètres). Le lecteur qui déroule l'emakimono à son
propre rythme a aussi toute liberté pour progresser dans le récit. Une fois sa
lecture terminée, le lecteur doit ré-enrouler l’ensemble dans son sens de
lecture original.
Du fait de sa
diversité narrative, de son traitement de l'espace et du temps et de certains de ses codes graphiques, l'emakimono est considéré par de nombreux critiques d'art comme le plus lointain ancêtre du manga et du cinéma d’animation.
L'œuvre la plus souvent citée pour illustrer cette parenté
est le Chōjū-jinbutsu
giga (traduit par Caricatures
de personnages de la faune plus communément appelé Rouleau des animaux). C’est
un ensemble composé de quatre rouleaux dont au moins deux ont
été attribués au moine bouddhiste Toba
Sōjō (1053-1140), les deux autres datant du 13e siècle. On a vu
souvent dans le
premier rouleau, le plus connu et le plus long (11 mètres), les prémices d’une grammaire narrative innovante,
comparable à celle des mangas et des dessins animés.
Ce
rouleau ne présente
aucun texte, seulement des peintures entièrement
réalisées à l'encre, manifestant un art du trait expressif et dynamique.
Le peintre qui a composé ce rouleau a joué sur diverses épaisseurs
de trait pour accentuer le mouvement, ainsi que sur la dilution de l'encre pour
exploiter une plus large palette de gris.
Ces dessins présentent un esprit libre et satirique, exempt de
toute solennité qui présidait jusqu'alors dans l'art bouddhique. On y voit des
animaux anthropomorphes qui – l’interprétation fait
débat – pourraient représenter une caricature de la noblesse et du
clergé contemporains de l’époque du peintre. Les singes ou les grenouilles
représenteraient les moines, les lapins et les renards les aristocrates. Toutes
les scènes se passent en extérieur. La narration se base sur leur enchaînement - les
animaux se rendent à une cérémonie et se livrent à diverses activités
(déambulation, discussion, poursuite, activité physique, bagarre). Les
personnages ont souvent les regards orientés vers la gauche, soutenant ainsi le
sens de lecture.
Visionnez ici la lecture de ce rouleau
(http://www.gachan.org/pro/plan
conf/First_Japanese_Manga_900_yeras_ago.flv)
Description des scènes du rouleau
Au
début du rouleau, lapins et singes se lavent et nagent dans un lac. Un lapin
plonge alors qu'un autre s'apprête à gratter le dos d'un singe avec une énorme
brosse. Puis, après un décor de montagnes et de plaines, le lecteur découvre grenouilles
et renards qui observent une partie de tir à l’arc jouée par des lapins et
grenouilles pendant que d’autres portent de lourds coffres. Des offrandes (du gibier)
apportées par une cohorte de grenouilles, lapins et renard sont présentées à un
singe.
Soudain,
sur la route, à contre courant du cortège, surgit un singe, poursuivi par des grenouilles
armées de bâtons. Plus loin, une grenouille gît au sol, entourée de curieux, frappée
peut-être par le fuyard.
Puis,
une scène montre un affrontement entre une grenouille et un lapin, entourée de
leurs congénères hilares. La grenouille jette au sol le lapin. On remarque des
traits qui sortent de la bouche de la grenouille victorieuse qui symbolisent
peut-être un cri de victoire ou un
effet de buée lié à l'effort de la combattante.
Dans une des
dernières scènes, un singe prie face à une grenouille assise sur une feuille de
lotus, caricaturant Bouddha. Un chant ou des prières sont signalés
par la représentation de traits ondulés qui sortent de la bouche du singe. A l'arrière-plan, trois religieux
manifestent différents états d’ennui et de lassitude. Un peu plus loin, dans un
arbre, une chouette qui bat des ailes regarde le lecteur comme pour le prendre
à témoin de l'ironie de la scène.
L’humour qui court tout le long du récit trouve, dans
cette satire de célébration religieuse, son apogée.
Avec ces
rouleaux naît tout un art de la caricature. Une fibre comique et satirique
anime manifestement ces représentations qui critiquent ouvertement des mœurs et
des comportements de l’époque. Quant aux peintures, la simplicité de la ligne qui
favorise l'expressivité et le dynamisme des personnages séduit par sa
spontanéité et sa fraîcheur.
Il y a une tradition au Japon de l'image composée de traits, c'est à dire d'un dessin conçu en une seule couleur, sans
lumière, ombre ni volume. Le dessin à l’encre est une technique de dessin
monochrome importée de Chine par l’intermédiaire des moines bouddhistes qui
trouve ses racines dans la calligraphie chinoise.
Avec l'emakimono,
le manga hérite de cet art du trait et du contour, de la spontanéité d'un
dessin composé de lignes simplifiées et suggestives qui privilégient la
narration sans effets esthétiques virtuoses.
Les emakimono expérimentent des codes
graphiques et narratifs nouveaux
Observons un extrait de Rouleaux des légendes du mont Shigi,
un ensemble composé de trois rouleaux de 30 cm sur 35 mètres, datant
approximativement du XIIe siècle.
Rouleaux des légendes du mont Shigi
Avec cette grande
image en plan large, le peintre décrit le périple du messager envoyé par le
moine Myoren pour soulager l'empereur malade. On le voit voler dans le ciel
pour atteindre le palais. En bas à gauche, on aperçoit des femmes, minuscules,
vues en plongée. Ce cadrage contraste avec le plan large de l'image, accentuant
l'impression de profondeur et d’immensité de la scène. L’action est orientée de
gauche à droite car il s'agit d'une action précédant l'arrivée au palais, une sorte
de flash-back. Une ligne dynamique
souligne le mouvement du personnage et guide ainsi l'œil du lecteur.
Le
messager pousse devant lui une roue symbole du Dharma ou loi bouddhique. L'impression
de vitesse et le mouvement de rotation de la roue sont bien exprimées par les
lignes courbes et ondulées qui l'entourent.
Lignes
de vitesse ou de mouvement, utilisation de l'espace comme portion du temps, jeu
de profondeur ou de perspective dans l'image sont autant de codes ou d'astuces
graphiques que l'emakimono expérimente habilement, et que d'autres formes de
narration dessinée se réapproprieront, notamment la bande dessinée.
La
stylisation ou la caricature ou des visages
Une caractéristique que l'on rencontre dans les
emakimonos, c'est l'hikime kagihana, littéralement
«yeux en fente, nez en crochet». Cette technique présente des personnages
avec deux points pour les yeux, un trait courbé pour le nez et un point rouge
pour la bouche. Les visages des personnages
ne sont donc pas individualisés ; ils restent impassibles, probablement pour
permettre aux lecteurs, en particulier les nobles, de s’identifier à ces représentations, et d'y reconnaître
une sobriété supposée figurer leur pureté. Certains critiques estiment que les nobles de la cour répugnaient à se faire portraiturer,
craignant que leur image soit utilisée à des fins magiques. Cette reticence
s'attenue à la fin du XIIe siècle. Mais elle pourrait expliquer l'usage de
cette technique du hikime kagihana.
On retrouve cette façon de
styliser dans l’estampe qui propose un dessin présentant des anatomies sommaires,
où le visage se réduit à un ovale et où les sentiments ne sont manifestés que
par des yeux et une bouche minuscules. Le nez est souvent délaissé car
il est censé ne rien pouvoir exprimer. Certains de ses éléments de stylisation
du visage sont repérables dans le manga, en particulier cet effacement de la
bouche et du nez.
Si les personnes nobles sont
stylisés dans les emakimono, les gens du peuple sont caricaturés de façon
expressive.
Détail extrait des Rouleaux des légendes du mont Shigi
Le moine Myōren
avait pour habitude d'envoyer par les airs un bol magique jusqu'au village
proche afin de percevoir son offrande de riz. Cette manière de s'approvisionner
semble réjouir les villageois, satisfaction qui s'exprime ici physiquement par
des corps contorsionnés, des bras tendus et des bouches grandes ouvertes.
On voit ici
le visage des femmes réjouies par le retour des ballots de riz que le moine
leur retourne, après leur avoir confisqué.
La représentation des visages peut être donc aussi bien être très
stylisé et impersonnelle, que très
expressive et caricaturale, une caractéristique qu'on retrouve également
dans le manga qui aime autant schématiser les personnages que jouer sur l'expression
exacerbée de leurs émotions.
Une approche du découpage et
de la séquentialité
Dans les emakimono, des artistes utilisent la
technique du fukinuki yatai, la technique
du «toit enlevé», une astuce qui permet
des innovations dans la narration.
Rouleaux enluminés des
antécédents du Taima mandala,
XIIIe siècle. Style Yamato-e : le fukinuki yatai . Rouleau 2
Dans ce rouleau qui évoque le tissage
du Taima mandala, un motif du bouddhisme japonais, l'artiste utilise cette
technique du "fukinuki yatai".
Le toit et le premier mur de face ne sont pas représentés. L'intérieur des pièces du temple est ainsi
visible pour le lecteur. La succession des quatre pièces permet de créer plusieurs espaces narratifs qui exposent les
phases successives de la narration. Comme dans la bande dessinée ou les
cases s'enchaînent, la lecture se fait par étapes.
Tout d'abord, à droite, on assiste à l’arrivée de la jeune religieuse. Traversant
une seconde pièce, on la suit qui se
dirige vers la tapisserie. Dans le troisième lieu, c'est le tissage de la
tapisserie et dans la quatrième pièce, la contemplation de la tapisserie
achevée où l'on retrouve un personnage aperçu dans le premier épisode. L'artiste
construit un récit qui suggère des ellipses
temporelles entre les événements tout en maintenant une cohérence dans la
représentation et le positionnement des personnages et du décor. Il y a dans l'ensemble de la composition des effets de
progression mais aussi de symétrie et d'écho, effets que les formes
géométriques des pièces accentuent. Mais plus encore, en décalant chaque salle
au-dessus de la précédente, l'artiste communique au lecteur une impression
d'ascension, effet manifeste si l'on déroule progressivement le rouleau mais
tout autant lorsque la scène globale se trouve sous nos yeux. On peut y voir
par anticipation une forme de découpage de la planche de bande dessinée où il
s'agit à la fois de décomposer l'espace en portions de temps mais aussi de
jouer sur un effet général de la composition.
Avec cette technique
du fukinuki yatai, l'artiste peut
véritablement jouer sur des formes diverses de temporalités : séquentialité,
mais aussi instantanéité.
Rouleaux
illustrés du Dit du Genji, XIIe siècle.
Dans les Rouleaux illustrés du Dit du Genji, grâce au fukinuki
yatai, l'artiste expose au regard du lecteur deux espaces narratifs
conjoints. Sur la véranda, l'homme est calme, installé dans un espace aéré et paisible
; au contraire, à l'intérieur du bâtiment, la femme et ses dames de compagnie,
en émoi, sont peintes en une composition confuse qui suggère l'agitation. Cette
technique de composition permet aux lecteur d'avoir deux points de vue
immédiats sur une même scène. C'est un procédé qui s'apparente au point de vue
narratif omniscient qui permet de faire partager au lecteur les secrets du
récit.
On voit avec ces deux exemples
que les artistes jouent avec le temps et l'espace : soit ils exhibent la
séquentialité des événements, soit au contraire, ils jouent sur leur simultanéité,
des procédés qu'on retrouve dans le découpage et le montage d'une planche de
bande dessinée.
Ban
Dainagon ekotoba - Rouleau du récit
illustré du conseiller d’Etat
Ban Dainagon, XIIe siècle.
Ce
rouleau
illustre de façon dramatique une
conspiration politique fomentée à Kyoto au IXe siècle.
Le conseiller Yoshio a fait
mettre le feu à l’une des portes du palais et accusé son ennemi, le ministre Makoto,
de l'attentat. La vérité va éclater, un an après. Dans ce rouleau, plus de quatre cent personnages sont
représentés. Ici, la scène de l’incendie de la porte montre la foule soumise à
des émotions diverses (peur, incrédulité, interrogation...)
Dans une autre scène, on
observe deux enfants qui se querellent en pleine rue : l’un est le fils du
serviteur de Yoshio, l’autre est le fils du serviteur de Makoto. Or, le
serviteur de Makoto a été le témoin du délit du conseiller Yoshio, mais il ne
l'a pas dénoncé. Les parents se mêlent à la dispute des enfants. Le père,
serviteur de Yoshio, fort de la puissance politique de son maître, protège son
fils en dégageant à coups de pieds l’autre enfant. Le garçon est sur le point
de tomber. Puis, à la partie supérieure
gauche de la scène, la mère tire le même fils par la main pour rentrer chez
eux. C'est à cause de cette scène que le valet de Makoto, ému de la violence dont son fils a été victime,
témoignera contre Yoshio, qui sera exilé avec sa famille.
Trois
événements - la dispute des enfants, la séparation des enfants, le départ de la
mère et son fils - sont ainsi habilement représentés dans cette composition
circulaire délimitée par les bâtiments et les curieux. L’auteur
représente plusieurs fois le même personnage dans une même scène (le fils
apparaît trois fois, le père deux fois), amenant ainsi le lecteur à voir les
personnages bouger.
Présenter des moments clés d'une action ou multiplier les différentes phases de mouvement d'un
personnage dans le même espace fait donc partie des procédés utilisés dans la
peinture narrative japonaise dès le XIIe siècle. C'est le même langage que le
manga et la bande dessinée utilise, qui sollicite la coopération de l'oeil et de
l'esprit du lecteur pour opérer les liens nécessaires et donner forme au récit.
C'est ce qu'a
voulu démontrer Isao Takahata,
réalisateur et producteur de dessins animés, auteur du Tombeau des lucioles et de Pompoko,
en piochant des extraits d'images de ce rouleau. Il s'est amusé à remonter les
événements sous forme de bande dessinée, en focalisant le regard du lecteur sur
ces extraits.
Dessins animés du 12ème siècle : les
éléments cinématographiques et de films d’animations dans les peintures sur
rouleaux /
Isao Takahata , 1999.
Dans son livre, Dessins animés du 12ème
siècle : les éléments cinématographiques et de films d’animations dans les
peintures sur rouleaux, Takahata démontre que le manga et le
dessin animé s'inscrivent dans la continuité des rouleaux peints, en utilisant
les procédés repérés dans les emakimonos : changement
de points de vue provoqué par le déroulement du récit, transitions elliptiques,
décomposition d’une action au sein d’un même plan, effets de “flash-back”. Il
souligne que la structure expressive des emakimonos se prête à la réalisation
d’effets visuels de grande qualité, permettant de rendre sur un support de
taille limitée le contraste entre les vues panoramiques et les vues en
travelling latéral qu’on trouve dans le dessin animé.
En 2016, le
célèbre studio Ghibli, en revisitant le Chōjū-jinbutsu
giga pour un spot publicitaire, confirme d'une certaine façon cette
proximité entre l'emakimono et l'animation, rendant ainsi hommage à une de ses
sources d'inspiration.
Pour le voir, cliquer ici
Si l'enchaînement des images est
une des caractéristiques majeures des emakimos, le recours au texte n'est pas
exclu. En effet, de
courts textes explicatifs peuvent apparaître après de longues scènes peintes. Le
texte peut aussi s'intégrer directement dans l'image.
Dans
les Rouleaux enluminés
des fondateurs de la secte Kegon du
début du XIIIe siècle, on remarque que les paroles des personnages
sont calligraphiées juste à côté ou au-dessus d’eux, très librement. Dans cet
extrait, Zenmyō avoue son amour à Gishō ; ses
paroles sont directement calligraphiées dans l'image.
Mais dans l'ensemble
des emakimonos, la priorité est accordée à l'image qui assure la narration. Cette primauté accordée à l'image et à
la narration graphique est aujourd'hui une des caractéristiques les plus
importantes du
manga.
Un
travail collectif
L'emakimono est le résultat d'un
travail collectif, réalisé en atelier de peinture (edokoro), dont le plus actif
et durable fut celui de la cour impériale. Le tsukuri-e (peinture construite), procédé utilisé pour la
réalisation des emakimonos, fixe des étapes successives pour réaliser l'œuvre :
dessin initial, pose de couleurs opaques en aplat, puis rehaussement des
contours initiaux masqués par la peinture à l'encre de Chine. Les esquisses et
les lignes finales à l'encre relèvent des maîtres, la préparation des pigments
et la pose des couleurs des apprentis. C'est le maître qui choisit les couleurs
et les indique aux apprentis en annotant directement l'esquisse .
Cette pratique de collaboration
artistique induite par le tsukuri-e se retrouvent plus tard dans les ateliers
d'estampes où dessinateurs, graveurs, imprimeurs, éditeurs travaillent en lien
direct et étroit. Dans les studios de mangas, les oeuvres sont le fruit d'un
travail collectif et organisé. Les assistants participent à la réalisation du
manga sous la responsabilité d'un maître qui signe l'œuvre. De même, c'est le
mangaka qui réalise les croquis initiaux et l'encrage final et qui suggère aux
assistants les trames à poser par un système de numérotation directement
apposée sur le dessin. Lieu de création mais aussi d'apprentissage, le studio
de manga où des étapes bien précises de réalisation sont suivies se situe bien
dans cette filiation du tsukuri-e.
Raconter des histoires en
dessin est une tradition au Japon qui reste bien vivante. Les artistes, auteurs
des emakimonos, ont inventé des codes graphiques et narratifs propres à leur
art. La technique du trait, le recours à des lignes simples et expressives, la
codification des personnages, l'utilisation des lignes de mouvement, la
technique du "toit enlevé" sont autant de procédés qui ont été mis à
la disposition des artistes suivants dont les mangakas. La nature même de la
peinture sur rouleaux, où l'histoire se dévoile progressivement a favorisé un
sens de la composition à la fois rythmée et panoramique avec des techniques que
l'on retrouve dans le manga comme dans le cinéma d'animation. D'autres formes
d'art narratif et graphique comme les kibyoshi,
livres illustrés mêlant textes et estampes auront aussi leur influence sur le
manga. Mais c'est une autre histoire...
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