Gros plan sur… Quadrants

Quadrants Solaires est à l’origine un label éditorial au sein de MC Productions (Soleil Prod.) créé sur l’impulsion de deux auteurs publiés chez Soleil, la scénariste Valérie Mangin et Denis Bajram (Universal War One, Les mémoires mortes). En 2007, le label prend une certaine ampleur et c’est Corinne Bertrand qui a auparavant travaillé chez Dupuis qui en prend la direction éditoriale. Le label désormais intitulé Quadrants compte à ce jour 38 albums au catalogue qui se déclinent dans 4 collections aux univers très différents : Astrolabe (format plutôt long, récits intimes), Azimut (à l’humour ou à l’esprit décalé), Boussole (aventure, c’est ici que les amateurs de Pellerin retrouveront la suite si attendue des aventures de son fameux Epervier), Solaires (le fantastique au sans large, SF incluse).

Rencontre avec Corinne Bertrand, éditrice
-Quadrants se démarque, en particulier avec Astrolabe et Azimut, de la production courante de Soleil. Seriez vous d’accord que l’on dise que Quadrants est la collection « prestige » de Soleil ou du moins une collection qui cherche à toucher un autre public ?
Elle n’a pas revendiqué ce terme de « prestige », car les albums Soleil sont bien faits ! En revanche, elle préfère se distancier des genres pour mieux mettre en avant un regard d’auteur, une personnalité, un choix graphique ou narratif qui se moque bien de la mode, des tendances, ou bien des codes des littératures de genre. Il n’y a pas qu’une seule manière d’éditer des livres. Quadrants agit comme un rayon de Soleil tombant sur un prisme : un déploiement de lumières colorées qui révèlent une infinité de nuances !
Si Soleil est un catalogue généraliste grand public à la forte identité en terme de genres, Quadrants a cette même envie de récits tous publics mais visitera peu à peu tous les styles de la bande dessinée pourvu que les projets soient « d’auteurs ». Ce ne sont pas uniquement les univers qui se révèlent qui m’intéressent mais aussi les regards qui les nourrissent. Par exemple, le point de vue historique très prégnant mais différemment offert au lecteur selon Valérie Mangin ou Patrice Pellerin. On vit dans une société (en Occident) aux échanges hyper-sophistiqués, mais culturellement, on régresse.

-Comment choisissez vous les auteurs que vous avez ou que vous allez publier ?
Ce sont uniquement des coups de cœur ! D’où le fait, par exemple, que peu de projet de SF soient annoncés en ce moment. Pas facile de trouver des scénarios vraiment convaincants. Alors je préfère attendre le bon, plutôt que de vouloir alimenter Quadrants solaires à tout prix. Je suis exigeante et je m’adresse à des lecteurs qui pensent. Au-delà de ce point de vue subjectif, les projets qui me séduisent sont plutôt denses au niveau de la narration ; la valeur du récit reste ma préoccupation première. Je scrute assez fortement aussi la démarche de l’auteur, ses intentions, ses partis pris, ses remises en question, Tous les projets d’un même auteur n’iront peut-être pas dans Quadrants, même si je souhaite pouvoir l’accompagner dans ses multiples choix et quêtes. Je suis très présente durant le travail donc le relationnel est important. Faire un livre est une aventure humaine, culturelle, et émotionnelle. C’est pareil pour l éditeur ; il faut qu’entre nous, « ça colle ».

-Quadrants est une jeune collection, mais vous avez déjà des retours très stimulants sur certains titres (des prix, des nominations). C’est important d’être repérés ainsi, visibles sur le marché de la bande dessinée qui paraît souvent touffu aux lecteurs ?
C’est important à plus d’un titre ! Déjà, cela permet de savoir que je ne suis pas dans un narcissisme pur puisque les titres que j’ai choisis sont appréciés par d’autre ! Et puis, dans un marché de 4800 titres annuels, voir ces mises en lumière ne peut vraiment pas faire de mal… Il est désormais très difficile de vivre de la bande dessinée pour une majorité d’auteurs. Rechercher une visibilité est un impératif constant. C’est un encouragement pour eux qui se mettent en danger dans des projets pas toujours faciles ou qui nécessitent du temps. Enfin, pour Mourad Boudjellal qui finance l’entreprise, les signes positifs du marché sont autant de sécurités de positionnement éditorial.
La qualité des livres, du papier, de l’impression est essentielle. C’est en plus très très gai à définir avec les auteurs ! Il faut préserver le raffinement de la lecture… la beauté d’un livre, la culture graphique, l’intentionnalité. Car la lecture va sans doute muter avec l’omniprésence prochaine du numérique. Nos modes de consommation changent et ce n’est que le début. Mais le plaisir du livre restera si on arrête dès à présent de le dévoyer

-Quels seraient les titres du catalogue que vous avez le plus à cœur de défendre, que vous souhaitez vraiment mettre en avant ?
Oulàlà ! Une question piège… Tous les titres de Quadrants sont mes protégés. Tous m’ont ravis le cœur à plus d’un titre, tous les auteurs me sont chers… Disons que certains incarnent sans doute plus pleinement Quadrants que d’autres pour le moment… ?
Ceux que vous avez choisis sont très justement dans cet angle de vue. L’Épervier aussi ; UW1 ou Le dernier Troyen aussi. Il faut revendiquer un niveau de culture.
J’aimerais pouvoir proposer des livres pour chaque instant de lecture, mais dans cette notion d’envie, le questionnement et la curiosité ne sont jamais à exclure. La passivité, oui. Le prêt-à-penser est un fléau ! À part l’envie de vaine célébrité immédiate, qu’a-t-il « créé » ? Rien ! La seule hiérarchie digne de respect reste l’intelligence.

Merci pour toutes ces précisions et très bonne continuation à Quadrants !
Merci à vous pour votre intérêt !

blog : http://www.quadrants.eu/

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